Ceux du GIEC (le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) et de l’IPBES (la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques).
Peut-être les avez-vous déjà parcourus. Si c’est le cas, vous savez sûrement qu’ils sont ardus, (très) longs, et qu’on abandonne souvent après la troisième page.
Notre mission était simple : rendre ces savoirs accessibles pour les 15 000 personnes qui forment le personnel de l’Université (enseignants-chercheurs et personnels administratifs). Notre cible principale était les « pas-très-convaincus-mais-pas-non-plus-complètement-réfractaires-en-fait-je-m’en-fous-un-peu ». Autrement dit dans notre jargon de stratégie narrative, le halo proche et lointain. Voici comment nous nous y sommes pris.
Créer une expérience plaisante
Parler de réchauffement climatique et de destruction de la biodiversité n’est pas une expérience attractive pour tout le monde. Si les personnes déjà engagées et convaincues s’y adonnent facilement, celles qui le sont moins rechignent souvent un peu à s’immerger dans un flot de nouvelles négatives. “On est foutus, on l’entend tout le temps. Moi, je n’ai pas envie qu’on me raconte ça, mais plutôt ce qu’on peut faire pour agir”. Voilà le genre de choses entendues lorsque nous avons interrogé une quinzaine de personnes de l’Université au début de notre mission.
Nous nous sommes également rendu compte que si nous voulions que la formation attire le maximum de personnes, notre meilleur allié était le bouche-à-oreille. “Je choisis une formation parce qu’on me la recommande”. Et qu’est-ce qui fait qu’on aime une formation quand on est un membre du personnel de l’Université ? Un bon animateur, bien sûr, mais aussi la possibilité d’avoir des temps d’échange, de sortir un peu de son quotidien professionnel, et d’obtenir des éléments opérationnels à la sortie.
Face à ce constat, notre parti pris a été de créer une journée qui varie les plaisirs. Assumons le terme « plaisirs » : lors du test, la plus belle victoire a été de voir les gens rire. Nous avons également choisi de construire un univers narratif un peu décalé : nos participants sont devenus scénaristes de série TV le temps d’une journée. De cette manière, on fait passer les messages en maintenant une distanciation psychologique avec la gravité des enjeux.
La formation sur le GIEC par les scientifiques du GIEC eux-mêmes
Le GIEC dans la hiérarchie des savoirs humains, c’est un peu Taylor Swift dans le panthéon des pop stars actuelles : le top du top. Mais pour la majorité des gens (et même des personnes avec une formation scientifique), il n’est pas toujours évident de se représenter ce que cela représente : 1 000 scientifiques co-auteurs, plus de 85 000 études recensées dans le dernier rapport, des dizaines de milliers de commentaires de la communauté scientifique concernée. À une époque où la confusion des genres règne entre ce qui relève de l’opinion et de la science, il était essentiel que cette formation replace cette hiérarchie des savoirs.
L’autre aspect unique de ce travail est qu’il a été coordonné par une scientifique autrice du GIEC (c’est l’avantage de bosser pour l’Université Paris Saclay). Une personne qui connait le contenu en long et en large, et surtout qui a l’habitude de le raconter aux autres. Parce que résumer des centaines de milliers de pages scientifiques en une journée de formation, ça nécessite
– de savoir quels sont les messages prioritaires que l’on veut faire passer ;
– de trouver l’équilibre entre le nécessaire exercice de vulgarisation et la rigueur scientifique.
La stratégie du millefeuille pour assurer une diffusion maximale
Une bonne formation, c’est surtout une bonne animation. Or, quand on veut toucher 15 000 personnes, on a besoin de beaucoup, beaucoup d’animateurs. Le défi majeur de ce projet était donc d’abaisser le plus possible la barre à l’entrée pour devenir animateur de cette formation, et de faire en sorte que des doctorants sans expertise particulière sur le sujet traité puissent tenir en haleine 20 personnes toute une journée. Il fallait également penser le dispositif pour qu’il puisse se déployer dans une aire géographique étendue (rappelons-le, le “quartier” Paris-Saclay s’étend sur 232 hectares).
C’est de ces deux contraintes qu’est née notre idée de faire une formation en millefeuille, avec trois « couches » d’apport de connaissances :
– LA COUCHE D’INITIATION : les participants, organisés en sous-groupes de 4 à 5 personnes, sont rendus complètement autonomes grâce à du matériel pédagogique créé pour vulgariser certains messages du GIEC (et qui tient dans une valise, pratique pour se déplacer).
– LA COUCHE DE RENFORCEMENT : une voix off accompagnée de diapositives animées permet d’apporter des connaissances complémentaires à celles initiées par les activités pédagogiques autonomes.
– LA COUCHE DE CONSOLIDATION : via un travail de médiation classique assuré par l’animateur. Accompagné de diapositives et de questions et réponses types, le rôle de l’animateur n’est pas d’amener de nouvelles connaissances, mais d’objectiver les messages que les participants ont vus précédemment.